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Le Don de Soi

Dernière mise à jour : 11 oct. 2022


Une série qui se profile avec pour commencement le tabou. L'éjaculation au grand jour constitue encore aujourd'hui un tabou central dans la construction de la sexualité occidentale. Et pour cause, à l'époque médiévale, l'émission de semence en dehors du fond du "con" devient le péché contre nature par excellence. C'est ainsi que dans le but de transgresser les interdits ecclésiastiques et médicaux, la littérature érotique se fait une joie de représenter l'émission du foutre masculin, "référent absolu" de la jouissance...


Peut-on parler d'une poétique qui se met en place lorsque l'homme décharge sa suave liqueur déclenchant par sa projection le comble du plaisir chez la femme alors qu'elle se trouve en même temps irritée par l'acte ? Les lieux substituts de la décharge sont alors nombreux : visage, seins, aisselles, mains, cheveux, etc... On s'éloigne alors de la morale religieuse et de la modération médicale, pour trouver une intensité paroxystique dans la littérature et l'art visuel. Ou quand le discours économique du libéralisme n'était encore que naissant... En effet, l'exhibition du foutre ostentatoire ne serait-elle pas la métaphore de nos dépenses exubérantes ?


La littérature érotique affiche l'impératif de jouissance comme une manifestation de l'autonomie de l'individu masculin. La libre émission du sperme devient un plaisir qui se veut signe de liberté et finalité ultime de l'existence. Le sujet qui s'assume pleinement dans sa quête érotique finit par se prendre lui même pour une fin. La virilité masculine ainsi exprimée doit impérativement correspondre à l'insatiabilité féminine. Le dimorphisme érotique privilégie la visibilité du sperme. Pourtant, la réalité voudrait pouvoir matérialiser tout autant la jouissance féminine. Fait suscitant une véritable angoisse chez l'homme : la simulation féminine considérée comme une castration. C'est bel et bien contre cette angoisse, fatale pour l'érection masculine, que s'élèvent les torrents d'images représentant l'éjaculation.


Pour aller plus loin, doit-on se demander en tant que féministe si l'éjaculation extérieure est une forme d'hostilité envers la femme et la sexualité qu'elle incarne ? La logique dans le conscient collectif est si violent qu'elle se lit ainsi : Puisque le sexe dégrade la femme, les femmes qui y consentent méritent d'être dégradées aussi complètement qu'il est possible de le faire. Faut-il y voir une rhétorique de la libération sexuelle pour l'homme dominant et sa substance ou s'agit-il plus simplement d'une nouvelle preuve de dégoût et de violence qui articulent la vision masculine de la sexualité ?


Revenons-en au fétichisme économique, quand l'argent se combine au plaisir sexuel, ces choses à la fois précieuses et sales, le "money shot" incarne parfaitement l'aliénation profonde de la société de consommation contemporaine. Le plaisir figuré devient alors un orgasme de dépense. Le fétiche comme plus-value de l'orgasme. Finalement, le sperme signale le paradoxe de ce genre du faux qui fait du vrai. C'est là qu'intervient la tradition réaliste et esthétique de l'abjection.


C'est ainsi que l'on constate l'imposition croissante d'une esthétique de l'Abjection, contenu en germe, sous couvert de révolution sexuelle. Transgressant les distinctions de l'intérieur et de l'extérieur (le sperme était invisible par précepte, sa seule vue étant le signe d'un péché mortel), mais aussi de la forme et de l'informe (les visages dégoulinant), le "cumshot" obéit à une structure de fusion catégorielle proprement abjecte. Le sperme, une fois chu de sa trajectoire balistique, relève symboliquement du déchet, force de vie rendue stérile.


Le "cumshot" condense les traits alliant répétition et rythme, représentation excessive et culte du détail fragmentaire, goût de l'instabilité et du désordre (des fluides et des corps), perversion et "je-ne-sais-quoi" sublime. C'est ici que j'en viens à rapprocher la fascination virale qu'exerce le "cumshot" de la dynamique esthétique et érotique de la souillure. Ici, le visage radieux de la modèle, signe extrême d'humanité, est promis érotiquement à la souillure. La beauté importe car la laideur ne peut-être souillée, et que l'essence de l'érotisme est justement cette souillure. L'humanité significative de l'interdit est transgressée dans l'érotisme. Elle est transgressée, profanée, souillée. Plus grande est la beauté, plus profonde doit-être la souillure. La profanation, ravage de la sacralité du visage humain, sollicite toujours plus de beauté, toujours plus d'innocence, motivant la spirale de lolitisation du corps de la femme qui n'est nulle part aussi visible que justement dans ces visages promis au "cumshot".


Au-delà de l'aliénation profonde qu'incarne la décharge masculine (à la fois je le rappelle économique, symbolique, et libidinale), elle s'avère finalement être, envers et contre tout un fait esthétique et érotique. Ainsi, le retrait solipsiste de l'autre vers le soi construit paradoxalement un autre monument où manque ce que l'on s'attendait le plus à voir : la présence et la plénitude. La décharge est aussi l'occasion d'étaler l'inventaire des "manies les plus variées" à commencer par la spermophagie, poussée jusqu'à la consommation de soi.


Cette série est en pleine réflexion et construction, il va sans dire que les photos définitives ne seront pas celles-ci mais presque... Je vous laisse et repars à mes réflexions...





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